Familles et couples

L'émancipation de l'adolescent

Partager
Imprimer

Au Québec, l’âge de la majorité est de dix-huit ans. Avant cet âge, on dit d’une personne qu’elle est « mineure » : elle ne peut pas poser seule tous les gestes juridiques qu’elle veut quand bon lui semble. Son tuteur – soit, généralement, ses parents – doit le faire à sa place.

Or, certains adolescents vivent des situations qui rendent l’attente de leur majorité difficile, voire intolérable. Ils ont besoin de plus d’autonomie, et vite!

Dans cet article, Éducaloi vous renseigne sur l’émancipation, le mécanisme juridique qui permet à un adolescent d’acquérir, dans certains cas, des droits réservés aux adultes.

Une personne mineure peut-elle exercer ses droits de la même façon qu’un adulte?

Une personne de moins de dix-huit ans ne peut pas exercer ses droits de la même façon qu’un adulte, puisqu’elle est soumise à la tutelle au mineur et l’autorité parentale. L’émancipation permet, à toutes fins pratiques, de limiter ou de mettre un terme à ces deux mécanismes juridiques.

Le concept d’autorité parentale, englobe les droits et obligations d’un parent (ou les devoirs d’une personne autre que le père ou la mère qui est titulaire de l’autorité parentale), envers un enfant et ce, de sa naissance à sa majorité: garde, surveillance et éducation.

Quant à la tutelle au mineur, c’est le mécanisme prévu par la loi pour protéger les personnes de moins de dix-huit ans. Un adolescent ne peut pas de lui-même, par exemple, poursuivre quelqu’un en dommages-intérêts ou louer un local commercial. Son tuteur doit être d’accord et le représenter pour toute démarche juridique susceptible d’avoir des effets importants sur ses finances ou sur sa vie.

Le tuteur d’un adolescent peut être :

  • Son père et sa mère, qui exercent alors ensemble la tutelle;
  • Son père ou sa mère (quand un des deux parents est décédé, inapte ou privé de tous ses droits parentaux par décision du tribunal);
  • Une personne désignée par l’un ou l’autre des parents parmi les proches; par exemple, le conjoint du parent, un grand-parent, un oncle ou une tante (dans le cas où il est impossible pour un parent ou pour les deux d’assumer le rôle de tuteur);
  • La personne choisie par les parents dans leur testament, leur mandat de protection ou dans une déclaration transmise en ce sens au curateur public (dans le cas où les deux parents sont décédés ou inaptes);
  • Une personne désignée par le Directeur de la protection de la jeunesse, dans certains cas où l’enfant fait l’objet d’une intervention.

Qu’est-ce que l’émancipation?

Il y a deux types d’émancipation.

  • La simple émancipation est un mécanisme juridique qui accorde plusieurs droits importants à l’adolescent, sans qu’il soit pour autant considéré comme un adulte.
  • La pleine émancipation est un mécanisme juridique qui accorde à un adolescent pratiquement les mêmes droits qu’un adulte.

On dit d’un adolescent qui a obtenu son émancipation qu’il est un « mineur émancipé ».

À partir de quel âge un adolescent peut-il obtenir son émancipation?

Normalement, l’adolescent doit avoir au moins 16 ans pour demander son émancipation. Exceptionnellement, le tribunal peut accorder l’émancipation à un adolescent de moins de 16 ans.

Quels sont les motifs pour lesquels un adolescent peut demander son émancipation?

Pour accorder des droits très importants à une personne qui n’est pas encore adulte, il faut des bonnes raisons. Il ne suffit pas d’être en désaccord avec l’heure de son couvre-feu ou certaines décisions de ses parents.

L’émancipation existe pour permettre de protéger les intérêts de l’adolescent dans des cas très particuliers. Voici quelques exemples:

  • Myra, 17 ans, travaille à temps plein, tout en terminant son secondaire à temps partiel. La mère de Myra est décédée lorsqu’elle avait 14 ans sans avoir prévu de tuteur pour sa fille. Elle a légué à Myra une somme importante d’argent. Le DPJ a pris en charge Myra pendant quelques années. Myra demande son émancipation afin de pouvoir gérer son argent et trouver un logement seule pendant les quelques mois qui la séparent de sa majorité.
  • Stella, 17 ans, vit en famille d’accueil depuis un an. Rien ne va plus avec ses parents, qui refusent de s’occuper d’elle. Le DPJ la prend en charge. Stella demande son émancipation afin de pouvoir signer un bail, déménager avec son copain et s’acheter une voiture. Le DPJ appuie sa demande puisqu’elle est mature et responsable.
  • Julie, 16 ans, est la mère d’une petite fille. Julie demande son émancipation afin de pouvoir être tutrice à son enfant.

On voit que l’émancipation est une solution plutôt radicale qui s’applique à des cas particuliers (par exemple, des dossiers de protection de la jeunesse). Elle est généralement accordée aux adolescents plus âgés, qui sont presque déjà des adultes. Ces adolescents doivent démontrer beaucoup de maturité et faire la preuve qu’ils peuvent assumer des responsabilités sérieuses.

Quels sont les effets de la simple émancipation?

La simple émancipation permet à l’adolescent de ne plus être sous l’autorité de ses parents ou de ses tuteurs. Ainsi, les parents n’ont plus le devoir de garde, de surveillance et d’éducation envers l’adolescent. À titre d’exemple, une des conséquences les plus pratiques de la fin du devoir de garde, est que l’adolescent peut vivre ailleurs que chez son tuteur, sans être considéré comme en fugue!

L’adolescent simplement émancipé devient donc autonome pour poser certains gestes qui, autrement, demanderaient l’implication de son tuteur. Par exemple, le mineur simplement émancipé peut louer un logement pour une période d’au maximum trois ans. Par ailleurs, le mineur émancipé n’a plus à être représenté par son tuteur dans le cadre de l’exercice de ses droits civils. Il peut donc signer des contrats ou faire valoir ses droits par lui-même.

Par contre, le tuteur d’un adolescent simplement émancipé conserve un rôle de conseil et de surveillance pour les gestes susceptibles d’avoir un impact important sur les finances de l’adolescent. Il doit être impliqué si l’adolescent souhaite, par exemple, refuser un héritage ou accepter une donation qui vient avec une charge (par exemple recevoir un chalet en donation, mais qui vient avec la condition de faire réparer le balcon et d’ouvrir chaque année les chemins d’accès.)

Un adolescent simplement émancipé ne peut pas non plus contracter seul un prêt important (comme un prêt hypothécaire). Celui-ci doit être autorisé par le tribunal, qui consultera le tuteur.

Comment obtient-on la simple émancipation?

Il existe deux façons pour un adolescent d’obtenir sa simple émancipation :

  • par le dépôt d’une déclaration au Curateur public,
  • en s’adressant au tribunal.

Déclaration auprès du Curateur public

Si l’adolescent a 16 ans et plus et que le tuteur est d’accord avec sa demande d’émancipation, il peut déposer une déclaration d’émancipation auprès du Curateur public. Cette déclaration doit comporter la demande écrite d’émancipation formulée par l’adolescent et l’accord du tuteur.

La déclaration doit également comporter l’accord du conseil de tutelle. Le conseil de tutelle est formé de membres de la famille et d’amis de la famille de l’adolescent (ou parfois d’une seule personne). Son rôle est de surveiller le tuteur et de s’assurer qu’il agit dans le meilleur intérêt de l’adolescent lorsque le tuteur n’est pas le parent de l’adolescent ou lorsque l’adolescent possède des biens d’une valeur de 40 000$ et plus.

Il est plutôt rare que les parents d’un adolescent de 16 ans et plus décident ensemble de l’émanciper par dépôt d’une déclaration au Curateur public. Le tuteur qui est d’accord avec les gestes à caractère juridique que veut poser l’adolescent choisit généralement de les poser à sa place, et non de l’émanciper. C’est un moyen plus simple d’arriver au même résultat.

Demande au tribunal

Il est possible pour un adolescent de présenter lui-même une demande de simple émancipation au tribunal. Il peut le faire, notamment, quand son tuteur n’est pas d’accord avec sa demande. Le juge regardera les motifs de la demande et s’assurera qu’elle est dans le meilleur intérêt de l’adolescent. Il entendra ce que le tuteur a à dire et écoutera aussi l’avis du conseil de tutelle, s’il y en a un.

Les personnes âgées de moins de 18 ans ont automatiquement droit à l’aide juridique. Cela permet donc à un adolescent d’être assisté d’un avocat dans cette démarche.

La pleine émancipation permet également à l’adolescent de ne plus être sous l’autorité de ses parents ou de ses tuteurs. Elle accorde à l’adolescent la pleine capacité juridique, donc certains droits et devoirs réservés aux adultes. Il peut ainsi poursuivre ses parents pour obtenir une pension alimentaire, faire son testament, signer un bail, acheter, louer, vendre, avoir une hypothèque, comme s’il avait atteint l’âge de la majorité.

Toutefois, ce ne sont pas tous les droits de l’adolescent qui sont affectés par l’émancipation. Voir la question « Un adolescent émancipé obtient-il les mêmes droits qu’un adulte pour tout? »

Comment obtient-on la pleine émancipation?

Il existe deux façons pour un adolescent d’obtenir sa pleine émancipation :

  • par le mariage
  • en s’adressant au tribunal.

Mariage

Un adolescent qui se marie devient automatiquement pleinement émancipé. Pas question, toutefois, de se marier en cachette pour obtenir la même liberté qu’un adulte! La loi prévoit que pour qu’un adolescent puisse se marier, le tribunal doit autoriser le mariage. L’adolescent doit aussi avoir au moins 16 ans.

Demande au tribunal

Il est aussi possible pour un adolescent de présenter lui-même une demande de pleine émancipation au tribunal. Le juge regardera si l’émancipation est demandée pour des motifs sérieux et si elle est dans le meilleur intérêt de l’adolescent. Il entendra ce que le tuteur a à dire et écoutera aussi l’avis du conseil de tutelle, s’il y en a un.

Les personnes âgées de moins de 18 ans ont automatiquement droit à l’aide juridique. Cela permet donc à un adolescent d’être assisté d’un avocat dans cette démarche.

Un adolescent émancipé obtient-il les mêmes droits qu’un adulte pour tout?

Non. Un adolescent émancipé obtient certains droits, dont ceux prévus dans le Code civil du Québec, par exemple: signer des contrats, vivre ailleurs que chez ses parents, faire son testament, poursuivre quelqu’un en justice, obtenir son permis de conduire sans la permission de ses parents, dans le cas d’un mineur pleinement émancipé, il pourra toucher des prestations d’aide sociale, etc.

L’émancipation n’a cependant aucune influence sur ses droits en vertu d’autres lois. Un adolescent émancipé n’a pas le droit de voter, d’acheter des cigarettes ou de sortir dans les bars. Il ne sera pas non plus jugé devant un tribunal pour adulte s’il commet un crime.